L’augmentation inconsidérée des droits d’accises sur les produits du tabac va pousser encore plus de consommateurs dans les bras du commerce illicite.

La commission des Finances du Parlement fédéral examine aujourd’hui le projet de loi-programme. Il précise, entre autres, les nouveaux taux d’accises majorés pour les cigarettes et le tabac à rouler. 

Dans le budget 2023 et 2024, le gouvernement fédéral a prévu d’importantes recettes supplémentaires grâce à la taxation du tabac. Cette ambition est compréhensible et, dans une certaine mesure, certainement réalisable. Mais à condition que la conception fiscale de l’augmentation des recettes prévue tienne compte des réalités du marché et de la dynamique de formation des prix. Or, les taux de droits d’accises proposés dans le projet de loi-programme ne remplissent pas cette condition. 

Pour mémoire, Cimabel ne s’oppose pas à un ajustement des droits d’accises en soi, mais elle s’oppose à l’augmentation irréfléchie et excessive des taux de droits d’accises telle qu’elle figure actuellement dans la loi-programme. 

Il est fort probable que les taux d’accises actuellement soumis au vote des députés entraîneront une baisse des recettes pour les raisons suivantes :

  1. 1. Les ventes de produits du tabac par les canaux légaux (et donc imposables) diminuent.

Par rapport à 2021, les ventes de cigarettes ont diminué de – 6,71 % au cours des huit premiers mois de 2022. Les ventes de tabac à rouler ont connu une chute vertigineuse de – 19,24 %.  À la fin du mois d’août 2022, les recettes publiques provenant des produits du tabac sont inférieures de 68 millions à celles de la fin du mois d’août 2021, et ce malgré (ou grâce ?) à la hausse des droits d’accises mise en œuvre en début d’année.  

  1. 2. Le prix d’un paquet de cigarettes augmentera quoiqu’il advienne en 2023, même sans augmentation des accises. 

En 2023, un paquet de cigarettes deviendra de toute façon plus cher et générera donc plus de recettes fiscales.  La hausse des prix est inévitable en raison de trois facteurs : 1) l’augmentation annuelle automatique du droit d’accise minimum ; 2) la répercussion inévitable de l’augmentation des coûts due à l’inflation et 3) la répercussion des coûts supplémentaires dus à l’entrée en vigueur d’une directive européenne imposant aux fabricants de supporter les coûts de la lutte et de l’élimination des mégots de cigarettes dans les déchets sauvages.  Le grand gagnant de ces augmentations de prix inévitables est le gouvernement.

Concrètement, pour répercuter une augmentation de coût de 1,00 euro par paquet de cigarettes sur le consommateur, le prix de détail de ce même paquet augmentera en pratique de 2,35 euros.  Sur ces 2,35 euros supplémentaires, 1,35 euro ira aux pouvoirs publics (0,94 euro de droits d’accises ad valorem et 0,41 euro de TVA). Toute augmentation de prix rapporte de toute façon plus au gouvernement qu’au producteur, au distributeur et au détaillant. 

Les députés doivent donc se demander aujourd’hui s’il est judicieux, dans le contexte actuel, de mettre en œuvre une nouvelle augmentation des droits d’accises qui coûtera encore plus cher aux consommateurs… avec le risque réel qu’ils cherchent des alternatives moins chères – légales ou illégales – qui, soit dit en passant, semblent être de plus en plus faciles et massivement disponibles.

  1. 3. Les consommateurs ont de plus en plus de facilité à acheter des cigarettes illégales : 1 cigarette sur 5 consommée en Belgique échappe au fisc belge.

Les droits d’accises belges sont actuellement les 5èmes plus élevés d’Europe. Il existe des preuves plus que suffisantes que les consommateurs belges ont de plus en plus recours à des alternatives légales ou illégales aux cigarettes ou au tabac à rouler dont le coût est perçu comme trop élevé en Belgique. La consommation illégale suit une tendance constante à la hausse depuis des années, mais depuis l’entrée en fonction du gouvernement De Croo, la situation a complètement déraillé. 

Nous en sommes arrivés à un point où pas moins de 21,8 % des cigarettes consommées en Belgique (soit plus d’une sur cinq) ne sont pas taxées ici. Nous sommes inondés de cigarettes bon marché en provenance de pays comme la Bulgarie, la Roumanie et la Pologne. Cette réalité, qui a également été confirmée récemment par les douanes belges, est problématique.

En un mot, si les députés approuvent bientôt la hausse des droits d’accises sur les produits du tabac proposée par le gouvernement, ils se tireront une balle dans le pied au sens figuré et creuseront littéralement un trou supplémentaire dans le budget.

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